JOURS DE FÊTES AU MUSTANG

JOURS DE FÊTES AU MUSTANG

JOURS DE FÊTES AU MUSTANG (TIJI)

le Fetival de Tiji une fois par an rassemble sur la grande place de Lomantang, (Mustang - Népal) moines et laïcs pour trois jours de célébrations religieuses. Le rituel qui s’est perpétué jusqu’à nos jours fut sans doute codifié aux alentours du XV°s., mais il remonte plus que probablement à la religion Bön, tradition pré-bouddhique. Aujourd’hui une effigie a remplacé la victime émissaire et les rituels de transes oraculaires ont cédé la place aux pas de danse codifiés des masques du Protecteur Vajra Kilaya (Dorje Shonu) et de ses acolytes.

Il semble que les masques soient nés avec les dieux même. Dans l'Antiquité grecque, ils étaient déjà utilisés pour représenter la divinité qu'aucun mortel ne pouvait incarner. Dans le monde tibétain, ces danses masquées sont purement religieuses et sont donc réservées aux seuls moines. Pour incarner le protecteur Vajra Kilaya, on choisit chaque année un moine et danseur principal qui va incarner le dieu sous son masque courroucé pendant les trois jours du festival. Dans sa petite chambre monacale, Phuntsok nous raconte : ‘’Ayant été choisi pour incarner Kilaya, j’ai reçu l’initiation de ce protecteur et de son mandala puis j’ai effectué une retraite solitaire de 3 mois pour en pratiquer le rituel de méditation. En fait quand on parle de ‘’divinité protectrice’’, il s’agit d’une énergie puissante qui fut autrefois assermentée par Padma Sambhava. Cette force protectrice s’est transmise jusqu’à nos jours et aujourd’hui c’est moi qui suis chargé de l’actualiser et de la transmettre à mon tour. C’est bien sûr un grand honneur pour moi et ma famille, mais cette position est très exigeante et demande énormément de préparation spirituelle, de concentration, de méditation et il m’a fallu aussi mémoriser les pas de toutes les danses Je suis content d’avoir aujourd’hui passé la main car je veux maintenant devenir (moine) photographe !’’ Aux dernières nouvelles, Phuntsok avait trouvé un premier contrat de photographe avec une équipe de l’UNESCO travaillant sur le terrain. Il a en quelque sorte traversé le miroir...

Dès l’aube, la foule endimanchée de pelisse et de brocart s’est massée sur la petite esplanade au pied de la forteresse. Dans un enchevêtrement de cordages et de cris, on déploie lentement le tanka monumental en appliqué de soie représentant Padma Sambhava, le thaumaturge indien qui établit la tradition bouddhique dans tout l’arc himalayen. Puis au son des tambours, des cymbales et des trompes apparaissent comme jaillissants du chaos primordial les masques grimaçants des dix acolytes de Kilaya. En rondes volutes solennelles, ils prennent possession de l’aire et dessinent dans l’espace sacré, le mandala du protecteur.

Exorcisme social pour subjuguer démons et obstacles, rituel d’invocation de la protection divine contre sécheresses et famines, ce festival de Tiji est aussi un temps fort du calendrier où se resserrent les liens qui unissent ces communautés du bout du monde. Selon le Dalaï Lama à qui nous posions la question il y a quelques années : ‘’ Ces danses ont pour but principal de rappeler au danseur sa pratique intérieure. Cette tradition est avant tout un exercice spirituel personnel qui était autrefois secret mais qui s’est peu à peu socialisé. Et pour certains c’est surtout l’occasion de boire un coup de trop !’’

Car ici, il n’y a pas de séparation entre le sacré et le profane. Lorsque la tension devient trop forte, les atsaras aux masques grotesques apportent par leurs pitreries une note rafraîchissante que la foule ponctue de rires bon enfant. Ils interviennent à tout moment pour contrefaire et parodier les danses les plus austères, les instants les plus dramatiques. Contrepoints burlesques et improvisés qui tournent parfois à la farce paillarde, rien n’échappe à leur satire car ils peuvent tout se permettre. Sans doute sont-ils faits pour rappeler à tous que, dans ce monde, tout est illusion et illusoire, même la pompe religieuse, et qu’il convient de ne jamais se prendre trop au sérieux.

A l’extérieur de l’enceinte, est apparu en quelques heures un vaste bazar improvisé et les affaires tournent : on vend des bondieuseries, de la quincaillerie et une vaste panoplie de bric-à-brac chinois, on échange des turquoises et des pièces de brocart, on négocie de la laine, des chevaux et même des yaks ; on consulte aussi l’astrologue qui dessine sur le sol d’étranges diagrammes et ces deux femmes en pelisse, prostrées, silencieuses, dans la poussière, attendent le verdict du ciel.