SHIVARATRI
A l’entrée du temple, le vieux garde enveloppé dans sa vareuse militaire veille sur les chaussures et trie les élus sous un panneau
proclamant : ‘for Hindus only’. Mais là commence la difficulté : quels sont les critères qui déterminent cette hindouitée qui donnerait accès à l’enceinte sacrée ? Est-ce la caste, la couleur de la peau, la religion ? Par définition on ne peut se convertir à l’hindouisme, on naît hindou. Mais à Pashupatinath c’est le faciès qui fait loi : vous pouvez être musulman, descendant des Moghols qui envahirent l’Inde entre les IX et XIII ièmes siècles et qui anéantirent l’hindouisme et le bouddhisme dans la vallée du Gange, si vous êtes népalais, le garde vous laissera passer sans problème. Vous pouvez aussi être un de ces quelques milliers de Népalais chrétien convertis pour quelques sous par des missionnaires sans vergogne. Ou encore, appartenir à l’une des ethnies des montagnes - Tamang, Gurung ou Sherpa - considérées comme hors caste dans le système hindou, le garde ne lèvera pas un sourcil. Par contre il y a quelque temps de cela, un groupe de riches pèlerins Indonésiens hindous et leur prêtre, se vit purement et simplement refuser l’entrée du temple et cet impair faillit créer un incident diplomatique. Donc à Pashupatinath, l’hindouisme est une nationalité, même si la plupart des babas viennent de l’Inde voisine.
Pour que la célébration du festival soit réussie, l'unité de gestion de Pashupatinath a commencé à nettoyer la zone. En outre, cette année, plus d'importance a été accordée à la recherche d'un moyen plus facile de gérer la foule afin que les fidèles puissent réaliser leur Puja et Darshan plus rapidement et plus facilement.
Mais cette année aussi, la fête de Shiva risque de perdre de ses fastes. En effet,depuis 2018, les autorités népalaises ont décidé d’interdire la ganja à Pashupatinath et le Pashupati Area Development Trust se dit prêt, avec l’aide de la police, à déclarer la colline de Shiva « zone sans marijuana », sans aucune considération pour Shiva et sa cohorte de dévots : devront-ils abandonner la ganja et se mettre au lait de chèvre pour rester éveillé toute la nuit ?
C’est un peu comme si on remplaçait le Beaujolais nouveau par du Coca light ou le champagne de toutes les célébrations festives par une vulgaire limonade…
Tout fout le camp.
Katmandou, la nuit de Shivaratri, 20 Février 2020.